Le conte de Merlin (version forêt de Brocéliande) — Contes de fée méconnus

En temps oubliés, en Armorique, un roi désirait connaître le nombre de garçons dans son royaume.

Tout près, un fermier n’avait que des filles. Deux d’entre elles se proposèrent pour se travestir afin que la famille puisse obtenir une possible gratification du roi. Ainsi, la plus âgée, Jeanne, et la plus jeune, Marie, s’habillèrent en garçons et irent offrir leurs services de domestiques au roi, espérant de leur côté de n’avoir plus à être confinées à la vie mondaine de leur ferme.

Jeanne furent octroyée la position de cuisinier et Marie de valet de chambre. Les deux sœurs vaquirent donc à leurs occupations sous la prétention d’être des adolescents.

Tout se passait normalement jusqu’à ce qu’un beau jour, la reine accusa le valet de chambre de lui avoir manqué, ce qui mena le roi à enfermer Marie dans la basse-fosse. Jeanne rendait visite à sa sœur en lui apportant à manger, ayant une bonne raison de le faire sous ses habits de cuisinier.

— Il nous faut trouver une raison de te sortir de là! dit Jeanne. Je pourrais dire au roi et à la reine que tu es une fille.

— Pas directement ou tu ne ferais que me rejoindre! Tu dois te cacher. Grimpe dans l’un des arbres du jardin royal et, cachée entre les branches, crie au roi et à la reine « le valet de chambre est une fille! » lors de leur promenade matinale.

Jeanne suivit la suggestion de sa sœur, prenant soin d’être bien camouflée avant de crier « le valet de chambre est une fille! » au couple royal du haut de son arbre. Cependant, le roi et le reine, bien qu’ayant entendu le message, ne le prirent pas en compte et continuèrent à vaquer à leurs occupations quotidiennes.

La sœur aînée reprit donc son poste le lendemain matin, ce qui mena la reine à questionner le roi sur cette étrange révélation. Certes, ils se questionnaient, mais ne prirent pas la peine de vérifier encore et continuèrent à vaquer à leurs occupations quotidiennes.

Enfin, pour une troisième matinée, Jeanne grimopa dans l’arbre et cria « le valet de chambre est une fille! » du haut de sa branche, ce qui fit enfin réagir la reine plus sérieusement.

— Je sais que c’est étrange, mais peut-être devrions-nous vérifier? dit cette dernière à son mari.

— Oui, nous devrions appeler la sorcière….

Ainsi, le roi et la reine firent appel à la sorcière du château pour trouver une solution à leur problème. Elle leur proposa d’envoyer le valet capturer la créature qui attaque le potager le nuit.

La sorcière devisa qu’afin de mettre le valet de chambre au défi, on devrait lui demander d’attraper la bête farouche venant visiter le jardin la nuit. Seule une femme pourrait l’emprisonner!

Marie, toujours déguisée en garçon, accepta le défi contre sa liberté, demandant trois items pour l’aider dans sa quête : un lit, une table dressée avec un somptueux repas et un coffre.

Lorsque le magicien Merlin vint visiter le jardin à la tombée de la nuit, il se douta que quelque chose ne tournait pas rond. Ainsi, il lança un caillou dans le buisson, réveillant un oiseau qui y dormait. Il se dit que si l’oiseau se reposait, il devait n’y avoir aucun danger. Merlin s’assit donc à la table et dégusta son repas en toute aise.

Quand vint le moment de se reposer dans le lit, Merlin reproduit son geste de lancer une pierre dans un buisson et un autre oiseau soudainement réveillé partit au vol. Rassuré, le magicien mit le pied sur le coffre pour grimper dans le lit et tomba automatiquement dans la trappe préparée par Marie.

Une fois sa tâche terminée, le valet de chambre présenta sa trouvaille au couple royal qui envoya Merlin dans la basse-fosse. On permit aussi à Marie de réintégrer son poste en tant que femme de chambre et on réalisa aussi que Jeanne était une jeune femme, donc on la réinstaura en tant que cuisinère.

Le roi promit de mettre à mort quiconque tenterait même de libérer Merlin de la basse-fosse. Pour une plus grande protection, on attacha la clé du coffre dans le cachot au cou de la reine à l’aide d’un ruban. Nul ne pourrait donc laisser partir le magicien.

Le petit Pierre, surnommé Pelo, était le seul enfant du couple royal. Il adorait jouer dans le jardin de la cour avec ses billes, même s’il en perdait parfois une qu’il devait aller chercher dans un trou. Ceci arriva à nouveau lorsque l’une de ses billes se retrouva dans la basse-fosse en tombant dans l’ouverture d’une fenêtre.

Se penchant pour l’attraper, Pelo entendit une voix qui l’appelait.

— Hé toi, ne voudrais-tu pas me libérer? Je prendrai soin de toi.

— Mon père a promis de mettre à mort celui qui te libérerait. Je ne ferai rien de tel! dit le jeune garçon.

Il étira son bras davantage par l’ouverture, même s’il était toujours bien loin du fond.

— Personne n’aura à savoir. Lorsque ta mère te brossera les cheveux, tu n’auras qu’à prendre les ciseaux de sa ceinture pour couper le ruban à son cou. Ensuite, ramène-moi la clé et je te redonnerai ta bille!

Le petit garçon hésita, mais son désir de retrouver sa bille finit par l’emporter et il accepta le marché. Au cours des prochains jours, il attendit la bonne opportunité pour dérober la clé attaché au cou de sa mère par un ruban. Un beau matin que sa mère était légèrement distraite en lui brossant les cheveux, il sauta sur sa chance et vola la clé.

Sans perdre de temps après sa toilette, il courut vers la basse-fosse et libéra Merlin de son coffre, puis retrouva sa bille.

— Ne t’en fais pas, petit. Je prendrai soin de toi, lui dit Merlin avant de disparaître de sa vue.

Pelo retourna ainsi jouer dans la cour, heureux d’avoir retrouvé sa bille perdue.

Cependant, il n’en fut pas bien long avant que la disparition du magicien dans le cachot ne se sache au château. Le roi, tenant sa promesse faite publique, jura de mettre à mort quiconque avait défié son ordre.

La mère de Pelo, qui avait réalisé lorsque son fil avait volé la clé, mais n’en avait pas pensé grand-chose sur le moment, prit peur. Elle dit à sa femme de chambre, Marie :

— Voici de l’or et de l’argent, amène Pelo dans un royaume étranger. Je t’en serai éternellement redevable.

Marie fit ses adieux à sa sœur en cuisine et ne tarda pas à s’enfuir avec le petit Pelo pour le sauver de la menace de son père avant que ses actions ne soit découvertes par autrui.

La jeune femme voyagea avec le petit jusqu’au royaume voisin de Barenton, puis éleva le garçon comme son propre fils en menant un vie simple et honnête. Pelo se mit vite à l’appeler maman, adoptant ainsi sa nouvelle mère avec de l’amour dans son cœur.

Pelo se lia rapidement d’amitié avec la fille du roi de Barenton, Ambre, les deux enfants affectionnant particulièrement les jeux de billes. Tous les jours, les petits jouaient ensemble, et cela pendant plusieurs années.

Néanmoins, le bonheur cachant toujours son revers de la main, Ambre fut promise à la bête venant terrifier le royaume tous les sept ans. Cette créature à sept tête venait dévorer un enfant à chaque visite et par malchance, il était du tour de l’amie de jeu de Pelo de se faire manger par la bête.

— Il ne me reste plus que deux ans à vivre, Pelo, dit Ambre à son ami. On m’a promise comme repas à une créature immonde!

La fille pleura de plus belle, si fort qu’elle peinait à respirer proprement.

— Ne pouvons-nous rien faire pour empêcher cela? lui demanda Pelo, les larmes aux yeux.

Lorsque sa partenaire répondit négativement, le petit Pelo éclata lui aussi en sanglots. Les enfants se donnèrent de gros câlins, ne réussissant pas à se réconforter l’un l’autre.

Les semaines, puis les mois passèrent suite à leur apprentissage de la promesse et, bientôt, il ne resta plus que huit jours à vivre à la jeune fille devenue adolescente.

— Pelo, il ne me reste que quelques jours, profitons de nos derniers moments, dit Ambre.

— Rien ne me ferait plus plaisir, lui répondit le jeune homme.

Il songea soudainement à Merlin, qui lui avait promis il y a tant d’années qu’il prendrait soin de lui.

— Merlin est la cause de tout cela, se dit Pelo, une fois seul.

Le magicien avait failli à son mot!

Le lendemain, alors que le jeune homme conduisait son troupeau dans le pré, Merlin apparut devant lui. Pelo sauta sur l’opportunité de lui demander de sauver la princesse Ambre.

— Demain, après avoir dit au revoir à ta princesse, appelle-moi et je t’apparaitrai, lui donna comme instructions Merlin, sans s’expliquer davantage.

Considérant que ses options étaient très limitées, Pelo choisit d’écouter les indications de Merlin. Ainsi, le lendemain, après des adieux pleins de sanglots de la part des deux adolescents, Pelo appela Merlin.

— Merlin! Merlin! Apparais-moi sur-le-champ! cria Pelo d’une voix brisée sous le coup de l’émotion.

Soudain, Merlin apparut, chevauchant un cheval gris de fer et portant une armure et une épée du même matériel.

— Enfile cette armure avant ton départ pour la colline, puis assure-toi de combattre à droite lorsque tu feras face à la bête, dit Merlin au jeune homme.

Pelo s’exécuta et prit le chemin de la colline pour sauver sa princesse. Prenant de la vitesse lorsqu’Ambre entra son champs de vision, il l’atteignit et se pencha pour l’attraper par la taille et la faire monter sur son cheval, la jeune femme évitant de justesse les mâchoires de la bête.

— N’ayez crainte, princesse! dit Pelo en s’élançant vers le monstre.

Comme indiqué par Merlin, le jeune homme maintint la bataille à sa droite, réussissant à faire tomber deux têtes de l’horrible bête devant lui. Enfin, le monstre fit marche arrière. Pelo ramassa les deux têtes tombées dans un mouchoir, qu’il plaça dans une cassette pour donner à Merlin par la suite.

— Merci, cher chevalier, dit Ambre. Pourrais-je avoir votre nom, histoire que je puisse vous remercier convenablement? ajouta la princesse.

Pelo se retint de se nommer et ne fit que déposer la princesse près du château, avant de retourner voir Merlin en bas de la colline.

— Voici les têtes de la bête, Merlin. Mais le monstre reviendra demain, vous devrez m’aider à nouveau! dit le jeune homme redonnant également sa monture, son arme et son armure à son propriétaire légitime.

Ensuite, Pelo partit vaquir à ses occupations de gardeur d’oie, ne partageant les événements de la matinée avec personne. Lorsqu’Ambre vint le retrouver, il feignit la surprise, son cœur battant la chamade en entendant son amie parler du beau et vaillant chevalier qui l’avait sauvée.

Au matin, Ambre et Pelo se firent de nouveaux adieux en bas de la colline, avant que la princesse n’entâme une marche menant à sa propre mort.

Dès que la princesse se fut éloignée, Pelo appela le magicien.

— Merlin! Merlin! Apparais-moi sur-le-champ!

Merlin apparut soudainement avec une monture et une armure couleur de vair.

— Enfile cette armure, puis monte ce cheval et combats à droite, vite! dit Merlin.

Pelo fit ce qui était attendu de lui et partit attraper la princesse pour la faire monter sur son cheval, avant de combattre la bête à nouveau, cette fois gardant la gauche. Il réussit à faire tomber trois têtes! La créature lança un cri guttural et prit sa retraite en promettant toujours de revenir le lendemain.

Pelo ramassa les trois têtes dans un mouchoir, puis les cacha dans une cassette. La princesse remercia le chevalier inconnu de tout son cœur, heureuse d’avoir survécu une deuxième fois au monstre, mais redoutant de devoir retourner à la colline au matin.

Pelo retourna voir Merlin après avoir déposé la princesse au château et lui redonna sa monture, son armure et son épée, puis lui ofrrit les têtes. Sur le chemin de la maison, Pelo réalisa qu’il avait oublié de dire à Merlin de revenir le lendemain matin! Qu’allait-il faire sans son aide? La princesse devait retourner sur la colline à l’aube!

Pelo retourna s’occuper de ses oies et fut heureux de voir la princesse le visiter à nouveau. Les deux adolescents profitèrent du temps qui leur était accordé ensemble, remerciant les chevaliers inconnus pour avoir sauvé Ambre.

Le lendemain, la scène d’adieux de la veille se renouvella et la princesse prit le chemin de la bête. Pelo appela Merlin.

— Merlin! Merlin! Apparais-moi sur-le-champ!

Mais Merlin n’apparut point. Qu’allait faire Pelo? Il tenta sa chance à nouveau.

— Merlin! Merlin! Je m’excuse de ne pas vous avoir averti, mais j’ai besoin de votre aide!

Des larmes coulèrent sur les joues de Pelo lorsqu’il réalisa qu’il ne pourrait pas sauver son amie sans Merlin. Alors que l’espoir quittait son cœur, Merlin apparut enfin! Il lança l’armure et l’épée argentés à Pelo avant que le jeune homme monte le cheval et accoure aider la princesse.

— Combats de face! lui cria Merlin alors que Pelo s’éloignait à l’horizon.

Pelo arriva de justesse en haut de la colline, faisant face à la bête et lui coupant dès son arrivée une tête dirigée vers Ambre de son arme. Pelo ramassa ensuite la princesse et la plaça doucement sur sa monture avant d’attaquer à nouveau l’immonde créature de pleine face. Elle n’avait beau n’avoir qu’une seule tête restante, cette dernière semblait plus puissante que toutes les autres combinées.

Pelo eut beaucoup de difficultés à faire tomber la dernière tête, le monstre l’attaquant de ses multiples pattes de tous côtés. L’adolescent était si occupé à protéger la princesse, qu’il peinait à frapper la bête.

Dès qu’il vit une ouverture, Pelo plongea sous la tête de la bête et la coupa par en-dessous. L’énorme monstre tomba ensuite sur le sol, évitant de près les adolescents sur la monture d’argent. C’en était fini du monstre à sept têtes!

Pelo descendit ramasser les deux têtes tombées, qu’il mis dans un mouchoir avant de les ranger dans une cassette.

Lorsqu’il retourna sur sa monture, la princesse lui coupa subtilement une mèche de cheveux afin de pouvoir le reconnaître. Arrivés au château, Ambre l’invita à entrer.

— Mon père aimera vous remercier proprement et, si vous n’êtes pas marié, il vous promettra ma main, dit Ambre au chevalier.

— Je ne puis accepter, malheureusement, répondit le jeune homme. J’ai une bataille promise et si je ne le joignis pas, on me penserait un lâche! ajouta-t-il en déposant la princesse, avant de chevaucher vers le bas de la colline où se trouvait Merlin.

Pelo remit les têtes, la monture, l’arme et l’armure à Merlin à nouveau, remerciant le magicien de son aide pour sauver son amie. Il lui expliqua que la princesse désirait marier le chevalier, mais que l’honneur revenait plutôt à Merlin, puisqu’il était celui qui l’avait aidé à tuer la bête. Pelo retourna ainsi à ses oies.

Au cours des prochains jours, Ambre et son père firent venir des hommes du royaume afin de retrouver le sauveur de la princesse. Afin d’avoir l’honneur de gagner sa main, on se coupait les cheveux au bon endroit sur la nuque, on se les teignait et on inventait des histoires avant de se présenter à la cour devant la princesse et son père. Néanmoins, rien ne garantirait l’identité du chevalier comme les têtes de la bête, ce qu’aucun des prétendants ne réussissait à copier.

Un beau jour, Ambre s’adressa à son père :

— Nous devons avoir vu tous les hommes du royaume, mais il en manque toujours un : mon ami Pierre.

— Quelle sotise! Le gardeur d’oie! Bon, si ça te fait plaisir, nous l’appelerons à la cour également.

Ainsi, Pelo fut appelé à se présenter devant la cour. Il appela donc Merlin, qui lui apporta l’armure d’argent, l’épée et la monture, sans oublier la cassette contenant les têtes de la bête. Pelo, chevauchant le cheval, se présenta à la cour du roi.

— Voici les têtes de la bête, dit-il. Mais la gloire ne me revient pas, elle revient plutôt au grand magicien Merlin.

Il fit un signe de la main et montra l’homme qui le suivait du revers. Merlin se prosterna devant le roi et affirma qu’il ne pouvait accepter l’honneur de prendre la main de la princesse.

— Je ne suis point de sang royal, dit-il. Mais, Pierre l’est et pourrait donc marier la jeune femme. Moi, je marierai plutôt sa mère, Marie, qui m’a sauvé d’un horrible charme en m’emprisonnant dans un coffre il y a de nombreuses années. Une fée maudite m’avait ensorcelé et je n’étais alors qu’un animal farouche et malfaisant. J’étais en métamorphose et elle m’a délivré. Je lui suis donc éternellement redevable.

Suivant les explications de Merlin, Ambre courut se jeter dans les bras de son sauveur, remerciant le ciel de l’avoir épargnée et de la laisser marier son amour de jeunesse.

Pour le mariage, on recherche les vrais parents de Pierre. On retrouva ses racines en Armorique, à la tête du royaume. On apprit que depuis sa disparition, son père était inconsolable. Il avait éventuellement appris de la reine que son fils avait libéré Merlin et l’avait pardonné pour l’avoir fait.

Pelo fut heureux de retrouver ses parents biologiques et les invita avec joie à son mariage à la princesse de Barenton.

Suivant l’union royale, les deux royaumes limitrophes n’en devinrent plus qu’un.

La série Contes de fée méconnus englobe des contes, mythes et légendes varié.e.s provenant des quatre coins du monde. Pour en lire davantage, visitez cette page dédiée aux articles de fiction.

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