Profondément enraciné dans la forêt se trouvait un joli petit sapin vert. Bien qu’il pousse bien droit vers le ciel et que sa situation ne laisse rien à désirer, le petit sapin n’était pas heureux. Ses compagnons forestiers étaient de grands pins et des sapins hauts et forts, grandissant vers des zéniths toujours plus impressionants.
La vie du sapin était très simple. Le soleil brillait sur ses épines, le vent soufflait entre ses branches et les enfants dégustant leurs paniers de fruits aimaient s’installer près de lui. On lui disait alors que c’était un beau petit arbre.
Le sapin voulait plus que tout être aussi grand que ses compagnons afin d’être en mesure d’étirer ses branches vers les astres. Ainsi, les oiseaux feraient leurs nids dans ses branches les plus hautes et sa cime surplomberait la grande forêt qui s’étalait autour de lui.
Néanmoins, le sapin était toujours petit. Il étaits si petit et peu imposant en fait que l’hiver, un lapineau aimait bien lui sauter sur la tête et regarder ses alentours. Cela faisait sentir le sapin encore plus minuscule!
Son envie de grandir était telle que le sapin n’arrivait pas à apprécier les rayons du soleil, les oiseaux ou les magnifiques nuages dans le ciel. Ce à quoi il pensait jour et nuit était de devenir grand.
En automne, les bûcherons passèrent par là et le petit sapin vert ayant grandi quelque peu fut tout de même épargné. Il trembla alors que ses confrères matures se firent couper les branches avant qu’elles ne soient attachées sur un camions.
Le sapin se demandait ce qui adviendrait de ses grands compagnons. Il demanda aux hirondelles sur ses branches si elles avaient une quelconque idée de ce qui leur arriverait. Elles répondirent qu’elles n’étaient point certaines pour les destinées de ceux-ci, mais que lors de leur vol en Égypte, les hirondelles avaient senti l’odeur des sapins sur le mât des bateaux.
Le petit sapin comprit que ses camarades pourraient bientôt prendre la mer. Qu’est-ce que le petit sapin donnerait pour pouvoir un jour voir la mer!
— Profite de ta jeunesse, lui dit le rayon de soleil. La rosée s’accrocha au sapin et le vent la fit ruisseler, mais le sapin ne s’en préoccupait pas.
Lorsque les premières neiges tombèrent, la sapin vit plusieurs de ses congénères se faire couper. Les plus petits sapins, frêles et tendres, furent coupés en premier. Ils étaient choisis pour la beauté de leurs branches, puis attachés à des wagons pour être transportés hors de la forêt.
La sapin devenu plus mature ne comprenait tout de même pas ce qui arrivait. Pourquoi n’était-il pas choisi à son tour? Que se passerait-il avec ses amis?
Les hirondelles lui répondirent qu’elles croyaient que ces arbres seraient décorés de façon exemplaire. Ils porteraient des accoutrements glorieux et scintillants et seraient exposés dans une salle où il ferait bon pour qu’on puisse accrocher à leurs branches toutes sortes de bonnes choses à déguster.
— Et puis, après? Que leur arrivera-t-il? demanda le sapin aux hirondelles.
— Nous n’en savons rien, mais cela nous semblait déjà suffisant.
Le sapin se demanda ensuite si le futur lui réservait des merveilles à lui aussi. Il aimerait tellement être décoré! Ce serait encore mieux que de traverser la mer. À quand les prochaines premières neiges? Le petit sapin était désormais aussi grand et fort que les arbres ayant été coupés l’an dernier.
Il voulait tellement se trouver dans une belle salle confortable pour qu’on le décore! Mais que se passerait-il ensuite? Quelque chose de merveilleux devrait s’en suivre, il en était certain.
— Profite de notre amour, lui dirent l’air et le soleil. Profite au maximum de ta vie ensoleillée à l’air frais.
Mais le sapin ne se laissait pas profiter, même s’il atteignait de plus en plus hauts sommets chaque jour. Lorsqu’on passait près de lui dans la forêt, été comme hiver, on admirait ses branches et sa stature à voix haute.
Quelques temps avant les prochaines premières neiges, le sapin fut le premier à tomber. Une hache aiguisée le sépara de ses racines dans une douleur atroce. L’arbre ne rêvait plus, mais réalisait plutôt qu’il ne reverait plus ses confrères les arbres ou ses amies les hirondelles. De plus, le voyage jusqu’à la cour dans laquelle on le débarqua fut loin d’être plaisant.
Une fois déballé, on s’exclama tout haut de sa beauté et il fut le premier arbre choisi parmi tant d’autres. Ensuite, deux domestiques vinrent le ramasser et l’amenèrent dans un appartement luxueux.
L’appartement avait des murs décorés de photos, de la vaisselle en porcelaine magnifique et des sofas en soie. Il y avait des livres, des jouets et des objets de toutes sortes autour du sapin!
Le sapin fut placé dans un pot de terre sablonneuse recouvert d’un tapis verdâtre. Oh, comme le sapin était excité! Que lui arriverait-il maintenant?
Deux jeunes femmes se pointèrent le bout du nez net se mirent à décorer le sapin avec les domestiques. Sur une branche, on mit des petits sacs en papier colorés contenant des petits bonbons. Sur d’autres branches, on installa des guirlandes bleues, rouges, vertes et dorées pour le déguiser à fond. On lui mit même une étoile dorée sur la tête! Sans oublier les petites figurines ressemblant à de vrais hommes et de vraies femmes qu’on plaça sous ses branches sur le sol.
Le sapin se questionna. Vais-je grandir plus rapidement ici que dans la forêt? Deviendrai-je le plus grand des arbres? Est-ce que les hirondelles viendront m’observer par la fenêtre? Garderai-je mes accoutrements tout l’hiver et tout l’été?
Soudainement, on alluma les mèches de ses chandelles. Malheureusement, l’une de celles-ci brûla ses aiguilles. Les sapin eut si peur, même si la flamme fut si vite éteinte! Il trembla de tout son tronc.
Ensuite, les portes du salon s’ouvrirent et un groupe d’enfants s’avança vers l’arbre, y dérobant les cadeaux sous ses branches. Tous et toutes se mirent à chanter et à danser autour de l’arbre. Le sapin se demandait ce qui allait se passer ensuite!
On donna la permission aux enfants de vider l’arbre, alors ils sautèrent tous sur l’occasion de prendre des sucreries dans les branches. Tout d’un coup, l’arbre se retrouva seul pendant que tout le monde dégustait ses friandises. Seule la nounou des enfants s’occupait à vérifier qu’il ne restait rien dans l’arbre.
Lorsque toutes les gâteries furent mangées, un gros monsieur barbu s’assit dans l’ombre de l’arbre et demanda aux enfants quelle histoire ils voulaient entendre. Il finit par raconter l’histoire de Humpty Dumpty qui tomba, puis maria une princesse. Le sapin se demandait s’il pourrait lui aussi marier une princesse un jour.
La soirée était enfin terminée. Les chandelles avaient fini de brûler leur mèche et tout le monde avait quitté le salon. Le sapin se demandait ce que la soirée de demain lui réserverait. Aurait-il d’autres décorations et friandises accrochées à ses branches? Écouterait-il une autre histoire? Quel type de musique jouerait au courant de la soirée?
Le lendemain matin, on déshabilla l’arbre de ses décorations festives, puis on le monta à l’étage. Le sapin fut laissé à lui-même dans le grenier sur le plancher poussiéreux parmi de nombreuses boîtes de carton. Le conifère se rassura en se disant qu’on ne pouvait le planter l’hiver et qu’on l’avait simplement entreposé là en attendant le printemps!
Après une éternité à attendre tout seul dans la pénombre, deux petites souris s’approchèrent et le saluèrent.
— Bonjour, vieux sapin!
Le sapin leur répondit qu’il n’était pas vieux; il existait de bien plus vieux arbres que lui! On acquiesça, puis les souris lui demandèrent où il avait vécu, ce qu’il avait entendu. Avait-il été témoin du délicieux fromage dans le garde-manger?
Le sapin répondit qu’il ne savait rien sur le fromage dans le garde-manger, mais leur raconta des histoires de sa jeunesse dans la forêt. Il dépeignit les scènes de rayons de soleil se faufilant entre les cimes des hauts arbres, ainsi que le son du chant des oiseaux le matin. Il leur raconta l’histoire du petit lapin qui lui sautait dessus en hiver, ainsi que celle de la soirée illuminée dans le salon. Il expliqua aux souris qu’il n’était en fait qu’un tout jeune arbre, qu’il était arrivé de la forêt cet hiver seulement!
En discutant avec les souris, l’arbre se fit remarquer par ces dernières que toutes ces histoires semblaient réfléter de beaux jours heureux. La sapin s’accorda pour dire que ces jours étaient très gais, qu’importe ce qu’il en avait pensé à ce moment-là.
Le sapin se mit à réfléchir sur ce qui l’attendait ensuite. Marierait-il une princesse comme Humpty Dumpty? Il se rappela d’un magnifique sapin ayant grandi près de lui dans la forêt. Il était si beau que ce devait être une princesse aussi. Peut-être aurait-il la chance de retourner à la forêt pour la marier également?
Le sapin raconta l’histoire de Humpty Dumpty qui tomba, puis maria une princesses, encore et encore, jour après jour, aux souris toujours plus nombreuses à l’écouter.
Une jour, deux rats se joignirent au groupe de souris pour écouter le sapin discuter de sa vie dans la forêt et raconter l’histoire de Humpty Dumpty. Les rats lui demandèrent s’il ne connaissait qu’un seul conte. Le sapin leur répondit par l’affirmative, insistant que l’histoire de Humpty Dumpty était superbe, et qu’il l’avait entendue lors de la plus belle journée de sa vie! Cependant, il admit qu’il ne savait pas qu’il avait été aussi heureux à ce moment-là.
Les rats lui dirent que ce conte de Humpty Dumpty n’était pas si intéressant en fait. Soudain, les souris ne trouvèrent plus l’histoire si pertinente non plus. Au fur et à mesure, les souris se désintéressèrent, ne venant plus l’écouter. L’arbre se retrouva rapidement à nouveau seul.
Un jour, quelqu’un monta au grenier et ramassa le sapin couché sur le sol pour le descendre dans la cour en fleurs. Les mêmes enfants qui avaient jadis mangé les bonbons accrochés aux arbres du sapin avant de s’asseoir près de lui pour écouter un conte lui enlevèrent l’étoile accrochée à sa tête sans réserve.
Le sapin, maintenant désèché et poussiéreux, se remémora sa jeunesse dans la forêt à espérer devenir grand. Il s’attarda sur les souvenirs qu’il avait des rayons du soleil qui réchauffaient ses branches les jours d’été. Il repensa au sapin qui devait bien être une princesse, au lapin qui lui sautait sur la tête et à la soirée dans la salon avec les enfants.
Pendant ce temps, on le découpait en morceaux avec une hache et chaque coup de la lame le faisait souffrir.
— C’était le bon temps, se dit le sapin en repensant à sa jeunesse.
Après avoir coupé le sapin, on le jeta dans le feu. Le sapin brûla rapidement tant il était sec. Chaque pétillement des braises était un soupir de l’arbre qui s’ennuyait du bon vieux temps.
La série Contes de fée méconnus englobe des contes, mythes et légendes varié.e.s provenant des quatre coins du monde. Pour en lire davantage, visitez cette page dédiée aux articles de fiction.
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