Le trésor du buttereau — Contes de fée méconnus

Bien que méconnus, de multiples pirates pillaient autrefois les côtes du fleuve Saint-Laurent. On avait beau les pourchasser, ces brigandes et brigands n’avaient pitié d’aucun navire en ces eaux. Lorsque le temps et les poursuites les empêchaient de repartir avec les butins acquis lors des attaques, les pirates devaient laisser leurs trésors derrière pour y revenir plus tard.

Ainsi, le ou la capitaine du bateau faisait tirer ses matelots à courte paille quant à savoir qui garderait le trésor jusqu’à leur retour. On enterrait ensuite le corps du matelot avec le coffre.

À l’île du Havre aux maisons habitait un adolescent du nom de Étienne Lapierre. Il passait ses journées à donner un coup de main aux équipages de bateaux de pêche lorsqu’ils revenaient de leurs voyages sur la côte. Sinon, on pouvait le trouver en train de flâner sur ces collines sans arbre, ces buttereaux, à regarder les navires passer sous son nez.

Un beau jour, Étienne remarqua un navire étrange accoster une petite baie protégée. Il ne ressemblait en rien aux bateaux de pêche qu’il était habitué de voir dans l’archipel. Étienne s’approcha davantage, prenant soin de ne pas être découvert sur son buttereau escarpé.

Il vit trois hommes monter dans une chaloupe pour atteindre l’île avec ce qui semblait être un coffre au trésor.

— Des pirates! s’exclama Étienne. Vont-ils enterrer leur coffre?

Soudainement, l’un des hommes sortit une énorme lame et trancha la tête d’un de ses camarades d’un coup sec! La tête du marin tomba à l’eau et le corps devint inerte à bord de la chaloupe. La garçon observant la scène fut pris d’effroi. Il ne devait certainement pas se faire voir maintenant ou il y passerait!

Les deux matelots creusèrent un géant trou dans lequel ils déposèrent le coffre lourd, puis y lancèrent le corps ensanglanté de leur ancien camarade. Ils remplirent ensuite le trou de terre et de roches, avant de déplacer une énorme pierre au-dessus du coffre et du corps pour marquer l’emplacement. Dès qu’ils eurent terminée, les pirates retournèrent à leur navire.

Un grand homme qu’Étienne devinait être le capitaine prit la parole avant de larguer les amarres.

— Quand le cop labourera et que la poule hersera, le trésor pourra être levé. Jusqu’à ce moment, le diable animera le gardien sans tête pour protéger notre butin en attendant notre retour.

Le navire et ses occupants quittèrent ensuite la baie.

Étienne tremblait toujours de peur. Il retourna directement chez lui et se cacha sous les couvertures jusqu’au lendemain matin sans partager un mot de ce qu’il avait vu.

Au fil de saisons qui suivirent, Étienne retourna souvent voir le tas de sable où les pirates avaient enterré leur trésor. Il remarqua que la terre était maintenant durcie et les roches bien encastrées dans le sable.

Au Havre aux maisons, on commençait à entendre des rumeurs d’un homme sans tête gardant un trésor près du village avoisinant. Puisqu’on l’apercevait la nuit, les habitantes et les habitants décidèrent de ne plus sortir après le coucher de soleil. En effet, les gens connaissaient bien les légendes reliées aux pirates et savaient que cela signifiait qu’un trésor enfoui dans le coin était gardé par un être satanique.

On tenta d’envoyer le curé bénir le lieu maudit à maintes reprises, sans succès. Les résidentes et les résidents du Havre aux maison se mirent donc à éviter l’endroit comme la peste!

Étienne, maintenant âgé de dix-huit ans, décida de partager son secret avec la personne à qui il faisait le plus confiance dans ce monde : son grand frère. Celui-ci fut horrifié d’entendre les détails de la décapitation à laquelle Étienne avait assisté, mais fut ensuite intrigué par la phrase prononcée par le capitaine du navire avant de repartir à la mer.

Les deux frères décidèrent donc de tenter de déterrer les trésor. Ils construisirent une charrue miniature et fabriquèrent une herse de format réduit. Ensuite, ils empruntèrent un coq et une poule bien grasse chez un fermier du coin, puis se dirigèrent avec le tout à la plage. Ils firent labourer un petit carré de sable par le coq avec la charrue, puis firent herser la même section par la poule. Les frères pouvaient donc maintenant lever le trésor sans crainte.

Ils retournèrent les volailles et ramenèrent leur équipement à la maison pour les échanger pour des pelles. Leurs parents, confus quant à leurs intentions, les questionnèrent sur leurs plans. Les deux frères répondirent qu’ils s’en allaient déterrer le trésor du buttereau! Horrifiés, leurs parents les prévinrent que c’était une entreprise risquée, mais acceptèrent tout de même d’aller les superviser pendant qu’ils creusaient.

La famille se dirigea donc vers le buttereau et les jeunes hommes commencèrent à déplacer les roches pendant que leurs parents guettaient l’arrivée du gardien. De peine et de misère, les deux frères réussirent à déplacer l’énorme roche et à creuser jusqu’à ce que leurs pelles touchent quelque chose de dur.

Les deux frères se regardèrent, de l’excitation dans leurs yeux.

— Le coffre! s’exclamèrent-ils en chœur.

Toute la famille se rejoignit dans le trou creusé pour en sortir le coffre. Une fois fait, la famille transporta leur butin à la maison. Ils trouvèrent en son intérieur une montagne de pièces d’or et d’argent.

Le lendemain matin, la mère des deux jeunes hommes trouva un squelette sans tête étendu sur un banc sur la galerie. Un mot était déposé près de la dépouille : « Enterrez-moi au cimetière. Ma tâche est accomplie. »

La famille suivit les instructions la journée-même, puis procéda au partage du butin avec leurs voisins du village.

La série Contes de fée méconnus englobe des contes, mythes et légendes varié.e.s provenant des quatre coins du monde. Pour en lire davantage, visitez cette page dédiée aux articles de fiction.

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